Article / BONNES FEUILLES

L’avocat en entreprise : boîte de Pandore ou cheval de Troie ?

L’avocat en entreprise est un serpent de mer qui réapparaît régulièrement en surface. Au Barreau de Paris, comprenant environ 30 000 avocats, les avis sont partagés. Les Barreaux de province, comprenant environ 40 000 avocats, massivement, ont affirmé leur hostilité et celle-ci n’a pas varié.

A la demande du Premier ministre, Raphaël Gauvain, député de Saône et Loire, qui fut avocat, Claire d’Urso, inspectrice de la justice et Alain Damais, inspecteur des Finances ont signé ce rapport. Le titre est très prometteur : « Rétablir la souveraineté de la France et de l’Europe et protéger nos entreprises des lois et mesures à portée extraterritoriale ». Avec ce titre accrocheur tout le monde ne peut qu’être d’accord puisque l’on pensera faire œuvre de patriotisme. La copie a été remise le 26 juin 2019 et se trouve disponible sur Internet, ce qui permet à chacun de se faire une opinion.

Un puissant mouvement de lobbying favorable à l’avocat en entreprise alimente la presse nationale, politique et économique, ainsi que les revues juridiques. Il convenait de faire une analyse argumentée et l’article co-signé l’exprime sur 12 fournies contenant 72 références.

Les constatations dont le rapport fait un préliminaire méritent d’être relativisées. L’avocat en entreprise ne serait pas une panacée quand des errements de grandes entreprises françaises sont fustigés et même condamnés non pas toujours aux Etats-Unis, mais aussi par les juridictions nationales pour des écarts effectués dans l’Hexagone, ou à tout le moins à partir de l’Hexagone.

En outre le legal privilege qui peut être reconnu aux juristes d’entreprise français n’implique pas nécessairement leur intégration au Barreau.

Pour ménager les impératifs des chefs d’entreprise, le lien de subordination des juristes d’entreprise devenus avocats serait absolument maintenu. Cela entraînerait alors l’existence d’avocats et de sous-avocats, dotés d’un secret professionnel à deux vitesses. En outre l’avocat en entreprise ne pourrait plaider devant les juridictions et on introduirait un fractionnement que toutes les réformes récentes, notamment l’intégration des conseils d’entreprise et des avoués à la cour, ont cherché à supprimer.

Dans cette assimilation contrainte, que deviendrait la déontologie de l’avocat ? Un auteur va jusqu’à dire qu’elle se ferait naturellement, par la fréquentation des uns et des autres (avocat et avocat en entreprise). En quelque sorte l’acquisition de la connaissance de la déontologie et de sa pratique se ferait par contagion.

Rappelons que le juriste d’entreprise ne pâtit d’aucune façon d’un corporatisme de mauvais aloi. Nombre d’entre eux, la statistique le démontre, accèdent effectivement au Barreau après huit ans d’exercice professionnel. La jurisprudence sur cet accès, souvent commentée sur ce site, paraît équilibrée et pratiquer une ouverture à encourager. En outre l’exigence d’un examen réussi en déontologie, examen que l’on peut passer dans tous les centres de formation d’avocats, impose l’attribution d’une note égale ou supérieur à 12/20 pour être intégré au Barreau. C’est une des conditions pour que celui-ci puisse conserver son âme.

Il convient donc d’attendre le sort réservé à ce rapport, qui n’est pas le premier sur la question.

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YVES AVRIL
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