Si l’on avait fait ce commentaire plus tôt on nous aurait accusé d’être un chroniqueur besogneux, incapable de poser sa plume pendant les vacances et de lire des bandes dessinées.
Pourtant la plume d’Olivia Dufour est rafraichissante. On avait déjà eu plaisir à commenter son précédent ouvrage, « La Justice, une faillite française ? » publié en 2018 dans la même collection et récompensé par le prix Olivier Debouzy.
L’auteure, avec la plume alerte du journaliste, passe en revue un certain nombre d’affaires judiciaires aussi récentes que célèbres, qu’elle paraît bien connaître dans tous ses contours, tant sur le plan judiciaire que sur le plan médiatique.
On voit ainsi apparaître l’affaire Sauvage et les moyens de pression destinés à faire libérer Jacqueline Sauvage. Olivia Dufour montre l’influence des internautes qui « ont immédiatement aperçu Internet comme une terre vierge, à l’écart du monde organisé et réglementé, des pouvoirs publics, des lois et des sanctions » (p. 75). Cela a permis, malgré deux condamnations à dix ans de réclusion criminelle d’obtenir en deux temps, mais en un seul mouvement, la grâce présidentielle de François Hollande, Président de la République. Pourtant le mari est mort de trois balles mortelles tirées dans le dos.
L’auteure continue en évoquant l’affaire Kerviel. « Sa nature financière et très technique a permis au principal intéressé de bâtir la légende d’employé bouc émissaire d’une banque machiavélique sur le terreau fertile d’une opinion publique hostile à la finance en général et aux banques en particulier » (p. 79). Pour reprendre les titres employés, on passe d’un tsunami médiatique à la naissance d’une idole, « on se croirait à Cannes ». En évoquant « people, faillites et pèlerinage », le lecteur se promène ensuite dans « la cour Ruquier », en référence à l’émission « On n’est pas couché ». Puis, en titrant son développement « la gloutonne a rendu gorge », l’on voit le trader échouer dans nombre de recours, saisir le Conseil de Prud’hommes et poursuivre ses interventions médiatiques en allant au Vatican à une audience générale du mercredi qui accueillait 40.000 personnes pour faire croire ensuite qu’il a reçu le soutien du Pape (p. 100).
Olivia Dufour montre comment la distorsion entre la réalité d’un dossier judiciaire et la vision complètement erronée de l’affaire a été présentée par les médias.
Le livre aborde ensuite le procès de Mohamed Merah défendu par Maître Dupond-Moretti. Celui-ci est interrogé à différentes reprises devant les caméras et se trouve bien décrit le travail des journalistes submergés par l’émotion (p. 143).
L’affaire examinée ensuite est celle qui concerne Georges Tron, maire de Draveil. La journaliste rappelle l’ordonnance de non-lieu rendue sur 166 pages par le juge d’instruction qui y fustigeait le rôle de la presse dans l’affaire, peu de temps après l’incarcération de Dominique Strauss-Kahn à New-York et le lancement du mouvement # me too.
De ces affaires et de quelques autres, on peut poser la question de savoir si les médias ne sont pas en train de se substituer à la justice. Les enquêtes et les procès parallèles explosent face aux procédures judiciaires, dont le rôle essentiel n’est pas la communication. Des principes qui ont fondé l’institution judiciaire, le secret de l’instruction et la présomption d’innocence sont en passe de disparaître sous les assauts des médias. Même le procès qui se tient est en passe de se transformer en tribune médiatique.
Le concours de l’avocat est lui-même remis en cause, par exemple la seule présence d’un avocat dans le procès Merah. A quoi bon défendre ceux que les médias estiment indéfendables ? Alors la vengeance privée serait en passe de supplanter la justice. Des réflexes primaires feraient un jugement. La justice devient l’un des champs de bataille les plus violents du populisme et, pour Olivia Dufour, il est temps de réagir.
A contre-courant de mouvements et d’opinions dominantes, cet ouvrage traduit un certain courage et surtout une analyse qui devrait être salubre.