Si la citation disciplinaire doit répondre à des critères déterminés par les règles d’organisation professionnelle, il n’en reste pas moins qu’au visa de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales d’autres moyens peuvent être soulevés.
Un avocat poursuivi devant la juridiction disciplinaire avait obtenu d’une cour d’appel, saisie elle-même sur renvoi après cassation (Civ. 1ère, 3 juin 2015, n° 14-16.426) qu’elle annule un arrêté disciplinaire. L’arrêt avait retenu que la citation ne pouvait préjuger de la culpabilité de l’intéressé. Or celle-ci mentionnait que l’avocat, à propos de deux dossiers, s’était manifestement rendu coupable de différents manquements aux principes et obligations essentiels de la profession d’avocat.
La Cour de cassation exerce sa censure dans une motivation qui mérite d’être rapportée : « en statuant ainsi, alors que la circonstance que la citation établie par le bâtonnier, organe de poursuite, tienne pour établis les faits qu’elle relate et prenne parti sur leur qualification, ne préjuge pas de l’issue de l’affaire, qui ressortit à l’autorité de jugement, et ne porte atteinte ni à la présomption d’innocence ni au principe d’impartialité dont bénéficie l’avocat poursuivi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ». (art. 6 § 1 CEDH).
Cette solution paraît évidente et l’on comprend qu’elle n’ait pas les honneurs du Bulletin.
Il est dans la nature d’une autorité de poursuite d’avoir son avis sur la responsabilité de la personne poursuivie. On peut penser qu’à l’inverse elle s’abstiendrait de poursuivre si elle estimait que l’avocat n’encourt aucune responsabilité. Comme le procureur général, le bâtonnier est autorité de poursuite. Or l’on n’a jamais reproché à un procureur de motiver sa citation par une responsabilité qu’il voudrait voir retenir.
Cette décision va dans le même sens que celle qui refuse à l’avocat la possibilité de récuser le bâtonnier, comme on le ferait d’un juge. Il y a des règles pour les juges, d’autres pour les autorités de poursuite (Civ. 2ème, 28 sept. 2017, n° 16-17583).