Une question intéresse particulièrement la responsabilité de l’avocat : de quelle façon, l’avocat, conformément à l’article 1315 du Code Civil, doit-il prouver ses diligences, plus particulièrement son devoir de conseil ?
On sait maintenant, par un arrêt de principe concernant le devoir d’information du médecin (Cass. 1ère Civ. 25 février 1997, n° 94-19685, Bull Civ. I, n° 75, multiples commentaires) que « celui qui est légalement ou contractuellement tenu d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette obligation ». Ce principe fut étendu quelques semaines plus tard à l’avocat (Cass. 1ère Civ., 29 avril 1997, n° 94-21217, Bull. Civ. I, n° 132, également très commenté).
Cette charge de la preuve, globalement, après plus de quinze ans, est bien intégrée par les juridictions du fond et la Cour de Cassation veille attentivement à son respect.
Les modalités admises comme preuves soulèvent encore des hésitations devant les juridictions du fond. Un arrêt de la Cour d’Appel de Rennes de 2011, écarte la preuve par le courrier simple de l’avocat. En revanche un arrêt de la Cour d’Appel d’Amiens (Ch. Civ. 1er mars 2012, n° 2012 – 018433) admet comme preuve les lettres simples de l’avocat.
En droit il faut partir de la distinction entre acte juridique et fait juridique. Les lettres missives, les courriels, ou tout autre mode de preuve paraissent bien des faits juridiques. Or la preuve des faits juridiques, à la différence des actes juridiques, n’est pas sanctionnée par le principe selon lequel nul ne peut se constituer des preuves à soi-même (Cass. 1ère Civ. 3 mars 2010, Bull. Civ. 2010, III, n° 52 ; Cass Com. 19 juin 2012, n° 11-17015, inédit).
L’arrêt rendu le 10 avril 2013 par la Première Chambre Civile casse un arrêt de la Cour d’Appel d’Agen. La cassation intervient d’abord au visa de l’article 455 du Code de procédure civile. Ce texte oblige à motiver les décisions et à répondre aux conclusions.
Or ici les premiers juges ne répondaient pas aux moyens fournis en défense par l’avocat. Ceux-ci figuraient dans des courriers par lesquels le client se voyait conseiller de ne pas suspendre le paiement d’une pension alimentaire.
La Cour de Cassation montre alors, indirectement peut-être, mais clairement, que les courriers adressés par l’avocat doivent être retenus par le juge pour dire si le devoir de conseil a été rempli.
Il s’agit d’une solution dont tous les avocats mesurent l’importance. La pratique des Cabinets deviendrait anormalement lourde et coûteuse si l’on n’admettait pas que l’avocat prouve par tout moyen avoir rempli son devoir de conseil et d’information.
C’est pourquoi cet arrêt, à juste titre, (Cass. 1ère Civ., 10 avril 2013, n° 12-18193) fera l’objet d’une publication au Bulletin.