Avocat au Barreau de Paris, depuis de longues années, Vincent Nioré, assure une mission essentielle. Elle n’est pas que défense de l’avocat. Elle est avant tout celle du secret professionnel. Il s’agit de la représentation du bâtonnier lors des perquisitions au cabinet ou au domicile de l’avocat.
Comme le disait si bien Émile Garçon (Code pénal annoté, Sirey 1956, art. 378) « Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le catholique un confesseur, mais ni le médecin ni l’avocat, ni le prêtre ne pourraient remplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n’étaient assurées d’un secret inviolable ».
Rappelons que Vincent Nioré était poursuivi pour des propos tenus à deux audiences du 19 avril 2019 devant le juge des libertés et de la détention. Le procureur général estimait, pour fonder la poursuite, que ces propos étaient « outrageants et insultants » à l’égard de trois magistrats instructeurs et d’un représentant du ministère public.
L’immunité judiciaire est un principe qui concerne les poursuites pour diffamation, mais il a déjà été jugé qu’il ne s’appliquait pas aux poursuites disciplinaires. Il n’en reste pas moins que le conseil de discipline conserve une liberté d’appréciation. Il estime que « parmi les libertés d’expression, celle de l’avocat doit être particulièrement protégée, relevant d’un droit imprescriptible, celui de se défendre, qui constitue l’un des piliers des sociétés démocratiques ».
Droit imprescriptible certes mais aussi droit fondamental. L’instance disciplinaire souligne qu’en agissant comme délégué du bâtonnier, Vincent Nioré « assurait (au nom de ce dernier) une mission fondamentale de défense du secret professionnel ».
Le juge disciplinaire considère que les propos n’avaient pas été jugés inadaptés à la mission de l’avocat. En outre il est jugé qu’ils ne sont « ni disproportionnés en la forme, ni étrangers à la cause au fond ».
Un compte-rendu est disponible sur Internet dans les Actualités de la Gazette du Palais du 23 juillet 2020 sous signature de Laurence Garnerie, rédactrice en chef.
Cette décision a été frappée d’appel par le procureur général. La frontière qui se dessine au fil de la jurisprudence de la CEDH est de plus en plus claire. L’attaque personnelle (« ad hominem »), dépourvue d’intérêt pour la cause défendue, est répréhensible (Aff. Szpiner). En revanche l’avocat qui vise une fonction fait œuvre utile pour les intérêts qui lui sont confiés ; il mérite la protection de la liberté d’expression et, ici, les droits de la défense (Aff. Morice, Aff. Ottan).
Vincent Nioré est donc appelé à donner son nom à un arrêt, célébrité rare en matière civile et son exemple irradiera les générations des jeunes avocats à travers leur cours de déontologie, comme l’arrêt qui relaxa Yann Choucq, l’arrêt Choucq ayant 40 ans.