Les notions de délicatesse et de modération, figurant dans les principes essentiels de la profession d’avocat seraient difficiles à appréhender si la Cour de Cassation, dans son rôle régulateur et normatif, ne fixait pas des critères avec une constance remarquable.
On a en mémoire une affaire toute aussi récente que célèbre, commentée sur ce site. Elle concernait un avocat général, également publiciste, traité par l’avocat d’une partie, hors du prétoire de « traitre génétique ». La motivation de principe engendrera une publication au Bulletin (Civ. 1ère, 10 juillet 2014, n° 13-19284, à publier au Bulletin).
L’affaire appréciée ici par la Cour de Cassation écarte le pourvoi d’un avocat condamné par la Cour d’appel de Grenoble à douze mois d’interdiction temporaire.
L’avocat avait, devant la Chambre des appels correctionnels de Chambéry, déposé des conclusions dénonçant « la légèreté et l’incompétence habituelles du Tribunal ». A l’occasion d’un procès devant la Cour d’assises de l’Isère cet avocat avait déclaré à la presse qu’il saurait « trouver les bons juges », proclamé « dommage » lors du tirage au sort d’un juré qu’il ne pouvait récuser, qualifié un avocat de la partie civile de « roquet » et accusé le président de l’audience de « tricherie » et de « mensonges ».
L’avocat avait déjà été condamné peu de temps auparavant, à deux reprises, pour des atteintes à la délicatesse.
La motivation mérite d’être citée dans son intégralité
« Si l’avocat a le droit de critiquer le bon fonctionnement de la justice ou le comportement d’un magistrat ou d’un avocat, sa liberté d’expression, qui n’est pas absolue car sujette à des restrictions qu’impliquent notamment la protection de la réputation ou des droits d’autrui et la garantie de l’autorité et de l’impartialité du pouvoir judiciaire, ne s’étend pas aux propos violents qui, exprimant une animosité personnelle contre le magistrat concerné, mis en cause dans son intégrité morale, ou contre un avocat d’une partie adverse, sans traduire une idée, une opinion ou une information susceptible d’alimenter une réflexion ou un débat d’intérêt général, ne relèvent pas de la protection du droit à la liberté d’expression prévue par l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».