Traditionnellement on affirme que le Barreau est maître de son Tableau. Cela veut dire en clair que l’admission d’un avocat dans la profession doit faire l’objet d’une délibération positive du conseil de l’Ordre du barreau auquel il demande à appartenir.
Dans ce contexte un avocat doit présenter des garanties et notamment ne doit pas avoir été condamné « pour des faits ayant donné lieu à condamnation pénale pour agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs » (art. 11 de la loi du 31 décembre 1971).
Une marge d’appréciation est donc laissée au Conseil de l’Ordre et des cas épineux ont déjà été soumis à la Cour de cassation.
Le premier d’entre eux (civ. 1re, 9 déc. 1997, n° 95-17.186, Bull. civ. I, n° 357. Gaz. Pal. 1998. Pan. 50.) concerne la situation d’un avocat précédemment condamné pour meurtre, vol et incendie volontaire à 20 ans de réclusion criminelle. Pendant son incarcération il avait obtenu des titres universitaires et avait été réhabilité. La Cour avait constaté qu’au moment de sa demande l’intéressé avait réussi sa réinsertion sociale et donné des gages sérieux et suffisants de son aptitude à respecter les principes essentiels de la profession.
Une seconde affaire (civ. 1re, 21 mars 2006, n° 04-18-973, Bull. civ. I, n° 164 ; D. 2006. IR 944 ; Gaz. Pal. 2006. 1123 ; 2006. Somm. 1949) fait apparaître la demande d’une personne condamnée à cinq ans d’emprisonnement avec sursis par la Cour d’assises. La Cour d’appel avait admis l’inscription de l’avocat mais la Cour de cassation a censuré cette décision pour n’avoir pas recherché si les faits en question n’étaient pas contraires à l’honneur ou à la probité.
Le cas qui a donné lieu à l’arrêt du 5 février 2014 (civ.1ère n°12-29824) correspond à la situation d’un avocat, qui avait été condamné courant 2011 à la peine de 18 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 5.000 euros pour des faits d’escroquerie, de recel et de banqueroute commis entre 2005 et 2007. La Cour d’appel de Douai, qui avait condamné, avait expressément maintenu l’inscription de cette condamnation au Bulletin n° 2 du casier judiciaire par un arrêt du 26 juillet 2011.
La personne avait obtenu son CAPA en octobre 2011 et le Conseil de l’Ordre avait accepté son inscription le 28 mars 2012.
La Cour d’appel de Paris avait réformé cette inscription en se bornant à énoncer que les faits étaient contraires à l’honneur et à la probité, et que ni le parcours universitaire, si brillant soit-il, ni le repentir exprimé par le demandeur, alors que les faits qu’il avait commis étaient relativement récents, ne justifiaient son inscription au Tableau.
La Cour de cassation exerce sa censure en reprochant à la Cour d’appel de ne pas avoir examiné les éléments de preuves susceptibles de caractériser l’amendement de l’intéressé et d’établir son aptitude à exercer sa profession en conformité avec ses principes essentiels.
Bien que cette affaire ne soit pas publiée au Bulletin, il sera intéressant de la suivre, notamment après que la Cour de renvoi, c’est-à-dire la Cour de Versailles se sera prononcée.